Le monument Mourguet

Le monument Mourguet

Images 1Gérard Truchet a donné une conférence salle de La Ficelle le samedi 11 février 2012 "Laurent Mourguet c'est tout un monument". Cette conférence a fait l'objet du bulletin spécial 256 de juillet 2012. Vous trouverez ci-dessous une synthèse retraçant l'histoire de l'implantation de ce monument qui  fut à l'origine de la création de notre association.

Pierre Neichthauser artiste né, Telechargement 14metteur en scène, excellent marionnettiste et interprète de Gnafron, décida de retenir la date de naissance de Guignol au 22 octobre 1808 date où il apparût pour la première fois dans un journal lyonnais. Avec sa fenotte ils décidèrent de commémorer le 24 octobre 1908 le centenaire de guignol par un spectacle de gala au théâtre du Gymnase qui reçu un immense succès.

Dans les mois qui suivent ce centenaire  et au cours d’un conseil municipal, Edouard Herriot proposa (dans le cadre de la Fondation Grognard) à ses adjoints et conseillers de choisir celui des postulants à qui confier la mission d’exécuter un buste à la mémoire d’un Lyonnais qu'ils leur appartient de désigner.

Le 28 juin 1909, le rapporteur, qui n’était autre que Joseph Vial proposa de fixer dans le marbre un buste de Laurent Mourguet et d’en confier l’exécution au statuaire Monsieur Girardet ancien élève des Beaux Arts de Lyon et médaille d’or du salon de 1903. Cette proposition fut adoptée à l'unanimité.

Mais depuis 1831 et à raison d’un par an, les bustes commencent à former une vaste collection et à tenir beaucoup de place. Alors, une question hante l’esprit de plusieurs Lyonnais : « Quel destin réserve-t-on à celui de Laurent Mourguet ? » Ils estiment qu’il serait préférable de l’édifier en quelque coin de la ville, où il contribuerait à rappeler nos traditions populaires. Immédiatement, ces Lyonnais décident, en 1910, de se regrouper et de constituer : Le Comité pour l’érection d’un monument à Mourguet, créateur du Guignol Lyonnais. De ce fait ce comité pourra recueillir des fonds, désigner un architecte pour la réalisation de la stèle, choisir un emplacement et enfin procéder à l’inauguration du futur monument. 

Ce comité rassemble une pléiade d’illustres lyonnais et se divise en trois groupes. Le 1er dénommé : Comité de Patronage, réunit : Edouard Aynard député du Rhône, le docteur Jean Odile Gros et Camille Roy, de son vrai nom Claude Marie Luron, poète et chansonnier. Camille Roy est le créateur en 1888 du Caveau de la chanson. Dans le 2ème, nous trouvons les Membres d’Honneur : le Préfet du Rhône, le président du Conseil Général du Rhône, le Maire de Lyon et les rédacteurs en chef des principaux journaux de Lyon. Enfin, le 3ème est composé du Comité proprement dit avec pour président Justin Godart député du Rhône, Félix Desvernay secrétaire général, Joseph Vial trésorier accompagnés d’une trentaine de personnalités lyonnaises de milieux divers comme : Tony Garnier architecte, Antoine Sallès et Eugène Vial avocats, Emmanuel Vingtrinier et Trancrède de Visan journalistes, Marius Lamadon directeur du théâtre du passage de l’Argue, Emile Leroudier dessinateur en soierie, Antoine Rivoire président du Syndicat d’Initiative...

D’emblée, toute la presse régionale informe les Lyonnais de cette souscription et de son but. Certains journalistes ne manquent pas d’humour et pour ce faire donnent la parole à Guignol : « Mon pipa, Laurent Mourguet, va t’avoir son estatue. C’est ben une chenuse idée. Les esculpteurs demandent gros de pécuniaux pour faire sa bobine en pierre. A tant faire, faut que ça soye de la pierre solide, pour que dure, le pauv’ vieux, n’est ce pas ?J’ai fait ça que j’oye pu. Mais, un chacun sait, que la canuserie est toute bambane depuis longtemps. En grattant, dans mon questin, j’oye juste grapillé 17 sous et 2 liards. Je les donne ! Faites en autant les gones. Pour vous arremercier, vous verrez  les canantes gognandises que je vous dirai à la nauguration. Hardi, aboulez vos escalins et griffaniez vot’ pataraphe sus le bulletin ci-dessous, comme de vrais Yonnais ».  A cet appel, les lecteurs ne restent pas indifférents et les dons ne tardent pas à affluer.

Gnafron intervient à son tour dans le journal : Le Lyonnais « Monsieur le bavardier du Yonnais. Quoi donc que Chignol manigance avé le pepa Mourguet ? Le cousin de la voisine à la Benoîte Cocon a vu sus un papelard des es-souscriptions rapport à une estatue que Guignol veut élever à celui que l’a fait aimer des gones de Lyon…Pourquoi, que Chignol y s’occupe tout seul de c’tte glorification du pepa Mourguet ? Quoi donc qu’y chavasse c’tte vieille sampille ? Dirait-on pas, ma parole, qu’y profite, que je suis à graboton sus mon pucier, vu que je suis t’asthme, pour avoir les honneurs en entier ! C’est ben canulant et le pepa Mourguet serait tout dépontelé s’y apprenait, dans le royaume des taupes, que Guignol et moi nous n’allons plus de collagne. Aussi, avant que j’esse tiré au clair c’tt’affaire, je veux que les frangins que liront le Yonnais sachent que je serai à la çarimonie de la nauguration. Je fais déjà rapetasser ma vagnotte des dimanches et j’ai envoyé mon bugne chez le chausseur de cottivets pour qu’il l’y fasse un reflet espatrouillant. Mais, les gones, pour que ça soye tout à fait canant, faut nous abouler de pécuniaux. Ci-dessous le jornalisse à qui j’envoie la présente vous dira ousque se reçoivent les argents ». 

Pendant que l’argent est collecté, le comité contacte l’architecte en chef de la ville de Lyon, Charles Meysson, pour la conception du piédestal et sollicite Pierre Aubert pour la sculpture du bas-relief. Il est alors urgent de rechercher un emplacement judicieux pour accueillir ce monument. Ah ! il en a fallu des soirées, des discussions et des visites, pour que nos organisateurs se déterminent sur le bon choix. Leurs pas les conduisent tout naturellement là où vécut Mourguet, c’est à dire dans le Vieux-Lyon. Leur choix tombe sur une place située pas très loin, garnie de marronniers et dénommée avenue du Doyenné.

Le comité décide alors de fixer la date inaugurale au dimanche 21 avril 1912. Cette date ne laisse pas les élus, de droite comme de gauche, indifférents car elle se situe au coeur d’une période électorale. Les élus, toutes origines politiques confondues, vont utiliser, cette future inauguration et le personnage principal Guignol, pour attirer l’attention des Lyonnais appelés tout prochainement à voter, car en rendant hommage à Guignol, ils s’intéressent au patrimoine populaire, à une tradition théâtrale qui a depuis des décennies distrait le peuple. 

... En plein coeur du quartier St Georges, ce 21 avril 1912 à 10h du matin, il fait très beau, quand une foule particulièrement dense se presse avenue du Doyenné. Une foule endimanchée ; les hommes sont pour la plupart en redingote, chapeau melon ou canotier. Les femmes, enfin le peu qu’il y a, sont en robe 1900 et sont magnifiquement chapeautées. Sur le tabagnon installé pour la circonstance, se succèderont, dans un instant, les personnalités. Car, après de long mois de préparation, le monument élevé à la gloire de Laurent Mourguet créateur de Guignol est enfin inauguré.