Cérémonie anniversaire
3 mars 1769 - 3 mars 2019
Cérémonie au monument Laurent Mourguet
En ce dimanche matin 3 mars 2019, avant 10h, à cha-peu, les sociétaires arrivent nombreux, place du Doyenné, les élus et responsables d’associations aussi. Ce jour anniversaire est frais et bien ensoleillée présage d’une belle cérémonie.
Intervention de Gérard Truchet
Notre parsident, Gérard Truchet, est le premier à prendre la parole.
Il commence par l’évocation de la vie de Laurent Mourguet et souligne le soutien indéfectible de son épouse Jeanne Esterle qui lui donna dix enfants. Il précise « Jeanne fait totalement confiance à son époux ; elle l’aime et l’admire par-dessus tout ; alors, quand il lui propose de tenter sa chance en devenant marchand ambulant, elle accepte sans aucune hésitation. »
Pour attirer la clientèle « Laurent Mourguet utilise Polichinelle puis, s’apercevant que cette marionnette a fait son temps, il crée 2 marionnettes au caractère et à l’esprit bien lyonnais, Guignol et Gnafron» et c’est un franc succès.
« Guignol est généreux, débrouillard, lutte contre l’injustice, défend le petit et, si nécessaire, utilise sa tavelle. Guignol a la répartie prompte, parfois piquante. Guignol paraît parfois naïf alors qu’il est seulement malicieux et intelligent. » Cette marionnette « a connu les rois, les empereurs, les présidents, a vécu les guerres, les révolutions, les révoltes et s’est émerveillée devant toutes les inventions » et, deux siècles plus tard, elle est toujours là, pour notre plus grand bonheur. C’est pourquoi « nous nous devons de la défendre et de la servir avec beaucoup de conviction. »
Il présente ensuite les quatre loyaux serviteurs de Guignol qui sont honorés et dont les noms furent récemment gravés sur le monument.
Marius Streble (1912-1997). À 17 ans, il crée la troupe La Tavelle de Lyon. Il joue de nombreuses années au théâtre Guignol du quai Saint-Antoine, dirigé par la famille Neichthauser, puis à celui de la rue Carrand. « Dans ces merveilleux théâtres, il anime d’une vivacité d’esprit et de corps sans égal, Guignol, à tel point que le marionnettiste et sa marionnette ne font qu’un. Nous saluons ici la présence de son fils, Daniel qui, avec son épouse et ses filles dirige avec bonheur, à la Croix-Rousse, le théâtre Guignol, un gone de Lyon. »
Guy-Michel Férard (1929-2005) a surtout brillé dans le rôle de Gnafron, tant au théâtre du quai Saint-Antoine qu’à la rue Carrand. Fondateur de la Troupe du Gros Caillou, il a écrit de nombreuses pièces et revues et fait connaître Guignol au-delà de nos frontières, notamment en Russie et au Gabon.
Hélène Mercier (1912-2013) fille d’Ernest Neichthauser. Marionnettiste et soprano, elle assure les rôles chantés dans les parodies. À la mort de son père, elle et sa sœur Jeanne prennent la direction du théâtre Guignol de la rue Carrand.
Jean-Guy Mourguet (1929-2012) arrière-arrière-arrière-petit-fils de Laurent Mourguet. Ses grands parents et parents sont marionnettistes. « Petit, on le pose dans son berceau à l’arrière du castelet, quai Saint-Antoine ; il ne peut qu’à son tour embrasser la carrière de marionnettiste.» Passionné de théâtre et de chant, à 23 ans il prend la direction du théâtre Guignol Josserand-Mourguet que lui cède sa grand-mère. Fondateur du théâtre Le Petit Bouif, rue Saint-Georges, il prend en 1982 la direction du nouveau Guignol de Lyon, rue Carrand. Enfin, retiré à Brindas, il crée une troupe Les Gones à Mourguet, et lègue à la commune de Brindas toute sa collection.Celle-ci sera mise en valeur dans un musée créé par la communauté de communes du Vallon Lyonnais et inauguré en 2008.
Mais bien d’autres marionnettistes ont animé nos chères têtes de bois. Gérard Truchet cite : Jean Clerc, Andrée Burtin, Jean Lagier, André Béard, Claude Magnard, Jean-Paul Philibert, Edmée Filloux, Roger Charnoux, Gilbert Pavaly ; plus près de nous, Yvonne Moritz, Armand Pelletier et Jean-Paul Tabey.
Pour terminer, Gérard Truchet clame haut et fort : « Vive Laurent Mourguet, vive Guignol ! »
Intervention de Monsieur Rudigoz, député
C’est au tour de Monsieur Thomas Rudrigoz, député, de prendre la parole.
Ses premiers mots sont pour Gérard Truchet :
« Monsieur Truchet, vous faites un formidable travail depuis de très nombreuses années et vous avez battu le record de Justin Godard (…) Merci pour ces moments que vous nous faites vivre, merci pour tout le travail que vous faites tout au long de l’année pour la mémoire de Guignol, avec toutes ces fenottes et ces gones venus nombreux aujourd’hui. »
Monsieur le député insiste sur la nécessité de célébrer Guignol :
« il est important que dans notre bonne ville de Lyon, nous ayons encore ce souvenir et que nous le fassions vivre grâce à de nombreux théâtres.»
Il rend ensuite hommage à Jean-Paul Tabey :
« Il était un artisan fidèle et dévoué de votre cause et de votre association (…) il était un formidable archiviste et avait une des plus belles collections de photos de l’histoire de Lyon. Je tenais à saluer Monsieur Tabey pour le travail qu’il a fait dans votre association, pour faire vivre également la mémoire de Guignol. »
Intervention de Monsieur Durand adjoint au patrimoine
Monsieur Jean-Dominique Durand, adjoint au patrimoine monte à son tour sur le tabagnon.
Monsieur Jean-Dominique Durand retrace la vie de Laurent Mourguet : sa jeunesse dans le quartier Saint-Georges, son mariage, les difficultés économiques auxquelles il a été confronté à cause de la Révolution et sa formidable capacité à s’adapter à différents métiers, notamment arracheur de dents : « C’est là que sa vie prend un tournant : il monte un petit théâtre de marionnettes où est présenté le personnage de Polichinelle, destiné à distraire les patients, les soulager ; le succès est là, Laurent Mourguet rencontre sa vraie vocation : marionnettiste. »
Pour s’affranchir de Polichinelle, il crée Gnafron (personnage inspiré de son complice le père Thomas) puis Guignol « Guignol, dont on dit que le visage ressemble fort à celui de son créateur. Vêtu comme les ouvriers canuts, coiffé d’un catogan tressé et Madelon épouse revêche de Guignol qui se plaint toujours des hommes. »
Guignol connaît un succès toujours renouvelé ; il est même consolidé paradoxalement par la censure impériale après 1852 qui oblige à écrire les textes ; se constitue dès lors un véritable répertoire, préservé au fil des temps, par des acteurs et des admirateurs. Ce succès s’explique par la personnalité de la marionnette :
« Laurent Mourguet a su créer une figure qui nous ressemble et qui a su incarner notre ville dans toute sa diversité. Guignol et ses compagnons c’est l’insolence, l’impertinence, le rire mais jamais la vulgarité (…) Guignol est la défense de l’identité lyonnaise face à Paris (..) Guignol est aussi la préservation d’un parler spécifique : le parler lyonnais, si cher à votre président. Guignol, c’est un personnage qui rassemble de 3 à 103 ans, toutes générations confondues, toutes les classes sociales. »
Quand Monsieur Jean-Dominique Durand affirme : « Guignol est un patrimoine vivant qui a toute sa place dans notre ville » il en donne différentes illustrations :
- Des rues portent les noms de Laurent Mourguet, Pierre et Ernest Neichthauser, Guignol
- Le musée des arts de la marionnette au sein du musée Gadagne
- Des théâtres à la Tête d’Or, la Croix-Rousse, rue Carrand et Brindas
- L’horloge Charvet « ce morceau de bravoure horlogère qui témoigne de l’histoire horlogère de Lyon » qui devrait bientôt trouver sa place, sur le mur extérieur sud de l’hôtel de Gadagne.
Mais Guignol n’est pas circonscrit à Lyon : « de nombreux lieux à Paris offrent des spectacles de Guignol, pour les petits parisiens qui n’ont pas la chance d’être lyonnais, dans les parcs Luxembourg, Montsouris, Buttes-Chaumont, Champ de Mars et dans de nombreux autres lieux ou villes.» Guignol se retrouve aussi dans des chansons, des publicités, des films. Guignol est aussi très présent dans notre histoire. À l’occasion de la célébration de la fin de la 1re guerre mondiale, souvenons-nous du « rôle que notre petite marionnette joua dans le conflit, tournant en dérision les malheurs de la guerre : par son humour décapant, Guignol, avec ses compagnons, apporta du réconfort aux soldats, sur tous les fronts, comme aux blessés ramenés à l’arrière ainsi qu’aux prisonniers français retenus dans les camps allemands. »
Monsieur Jean-Dominique Durand conclut :
« Par son inventivité, par son œuvre, par sa postérité, on peut dire que Laurent Mourguet est un bienfaiteur de la ville de Lyon. »
La parole est aux marionnettes
Guignol s’adresse à la foule
Guignol : Bienvenue rue du Doyenné où ce que trône du depuis 1912 cette mirlifique statue de mon pipa. Le buste au Laurent Mourguet, il a rien coûté à la ville ; on l’a payé avec les sous du François Grognard qu’avait tout donné à la municipalité pour qu’elle se paie, chaque année, la tête d’un artiste. En 1909 c’est tombé sur mon pipa Mourguet. Et, pour pas que ce buste finisse comme les autres, dans les caves de la Préfecture ou de l’Hôtel de Ville, des gones, menés par Justin Godard, ont fait la quête pour élever un monument.
Alors a lieu une passe d’armes entre Guignol et Gnafron, chacun prétendant être la 1re marionnette lyonnaise.
Guignol : C’est moi que je suis Jean Siflavio Guignol, première marionnette lyonnaise et promue à un grand avenir.
Gnafron : Alors là, je vous arrête tout de suite mon gone, c’est moi la première marionnette lyonnaise ; je m’appelle Gnafron, regrolleur de mon état et c’est Monsieur Mourguet lui-même que m’a sculpté dans un joli bois de tilleul
Guignol : On se demande bien de qui il a pu s’inspirer
Gnafron : Oh ben quand même ! et toi, tu t’es vu ? t’as même pas de nez !
Guignol : Oh ben çà par exemple ! voilà ce qu’un gognand peut trouver à me dire : "vous n’avez pas de nez" c’est à pouffer de rire !
Gracieux : çà doit être un bijou votre nez car ce n’est qu’au grand jour que vous le promenez.
Inquiet : ah vraiment ! un terrible cyclone a soufflé l’autre jour sur le Rhône et la Saône et votre cheminée a dû tomber à l’eau ; c’est le vent qui, sans doute, emporta les tuyaux.
Empressé : çà Monsieur, est-ce au Palais Saint-Pierre qu’il nous faut visiter votre nez sous un verre ?
Curieux : c’est de peur des rhumes de cerveau que vous portez, Monsieur, votre nez sous la peau ?
Voilà, Monsieur, voilà ce que vous deviez dire si vous aviez voulu provoquer notre rire.
Reste ensuite à savoir de quel côté doivent se présenter Guignol et Gnafron.
Guignol : Toi, tu te mets de ce côté et moi, je me mets de celui-là parce que, y’a peut-être Daniel Streble dans le public et il supporte pas qu’on porte Guignol à main droite. Il paraît que çà va devenir une tradition.
Soudain, apparaît une chenuse fenotte
Guignol : Ah nom d’un rat ! que cette petite est canante ; mais d’où qu’elle peut bien être ? tu la connais, toi qui est là depuis plus longtemps que moi ?
Gnafron : Ben, bien sûr allons ! c’est la fille au Jean Esterle, un vigneron de Sainte-Foy, une bien brave fenotte tu sais, une ouvrière en soie que connaît le métier sur le pouce. Tous les canuts de Saint-Georges voudraient l’avoir comme compagnonne. Tiens, la semaine finie, elle se rentourne à Sainte-Foy en sautillant comme une bergeronnette tout le long de la montée du Gourguillon. Il paraît qu’elle sait faire les matefaims, les clapotons en salade mieux que personne.
Tout sempillé, Guignol ose tout de même l’aborder
Guignol : Guignol, c’est comme çà que je me prénomme. Oh ! toi ma belle enfant, Madelon, si blanche, je ne suis qu’un melon et je t’en offre une tranche et même si tu voulais m’accepter tout entier, je serai le plus fier des melons du quartier. Ah ! Madelon, pour vous mon cœur bat la breloque, je crois que mon cerveau va devenir loufoque (…) il faut nous unir ainsi que deux bretelles, nous sommes faits pour çà, nos âmes sont jumelles.
Alors Gnafron se propose de marier les amoureux et d’aller fêter ce marinage en bord de Saône.
Après ce récit de leur histoire, de leur rencontre, les têtes de bois rendent hommage à leur pipa.
Guignol : Depuis 1808, nous en avons vécu des aventures ; croyez-moi qu’on nous en a écrit des histoires et c’est pas fini, la preuve : on est toujours là ! Alors, un grand merci à toi, mon pipa Mourguet, merci pour avoir créé Gnafron, mon vieux Gnaf, mon ami ; merci de m’avoir donné Madelon, une si chenuse fenotte.
Gnafron : Merci aussi père Mourguet de m’avoir adjoint Guignol, un si bon gone : il incarne le Lyonnais, son courage, sa générosité, son parler. Il a toujours défendu le petit et aujourd’hui encore, il a bien du pain sur la planche.
Alors, accompagnées par l’accordéon, les marionnettes entonnent à tue-tête : "Pour nous c’est un vrai plaisir d’arriver à vous faire rire et ce qui nous rend heureux c’est de voir briller vos yeux. C’est la fête au père Mourguet, tous ensemble applaudissez, le célébrer c’est canant."
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Oui, nous étions heureux, oui nos yeux brillaient en ce dimanche matin ; et, comme toujours à Lyon, nous avons, tous ensemble, avec bonheur, partagé un verre de vin, des grattons et du saucisson ! Joyeux Anniversaire pipa Mourguet !
Bernadette Couillandeau